Alice et autres merveilles

Lecture jeune, n°125 - Un titre, Alice et autres merveilles, d’après Les Aventures d’Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, une liste de 35 personnages sans compter les groupes de figurants : dans le cadre ainsi installé, est-il encore possible d’échapper à la narration originelle et faire œuvre théâtrale ? On pourrait se le demander, d’autant que Fabrice Melquiot suit la trame des aventures d’Alice, démultiplie les douze chapitres du récit en douze tableaux entrecoupés de huit « songs », intermèdes lyriques qui réintroduisent les éléments narratifs évacués par le dialogue théâtral. Malicieusement, il reprend en les renouvelant les jeux de langage chers à Lewis Caroll. Mais c’est une histoire d’Alice décalée qui nous est présentée ici. On apprécie les réparties d’une enfant d’aujourd’hui, sa liberté de parole. Sans complexes, elle se déplace avec aisance dans le bric-à-brac de l’imaginaire contemporain et donne l’impression de maîtriser plutôt que de subir ses changements de taille. L’auteur a su transformer une héroïne romanesque en personnage de théâtre à partir de quelques solutions dramatiques simples. Le narrateur est remplacé par un personnage de « vieil homme à la barbe fleurie », homme-paysage, entrée-de-terrier, terre-couverte-de-pâquerettes. Sorte de coryphée, celui-ci dialogue aussi bien avec Alice qu’avec le spectateur. Les « songs » conçues comme un chœur, amplifient l’action de manière ludique. Les didascalies donnent à voir un espace aux dimensions fluctuantes où le rapport entre la taille des objets et celle d’Alice varie sans cesse, et transforment le périple dans le terrier en une sorte de voyage en chambre. Le personnage d’Alice, construit autour d’une tension vitale, hésite entre le refus d’aventures rocambolesques et le désir d’aller jusqu’au bout. Elle devrait toucher de jeunes adolescents sensibles à sa modernité. Nicole Wells