théâtre

L'insolite baignant dans le quotidien, l'inhabituel surgissant du banal, le comique se muant en tragique, puis retournant au burlesque (La Leçon) ; réalisme détérioré par la caricature (La Cantatrice chauve) ; émerveillement euphorique d'être ; horreur d'exister dans un univers oppressant, accablant, où la matière s'épaissit, les objets prolifèrent (Victimes du devoir, Comment s'en débarrasser) - voilà les éléments contradictoires qui fondent le théâtre de Ionesco, issu de l'esprit onirique et de l'observation naturaliste. L'auteur est le premier à être étonné du spectacle qu'il projette sur scène et que la démarche même de l'écriture, l'aventure poétique lui révèlent. Les forces antagonistes qui l'habitent, les désirs profonds, oubliés et retrouvés, les obsessions obscures s'éclairent, s'incarnent, se font personnages, événements, théâtre, constituent ce monde où l'intérieur et l'extérieur se rejoignent, à la fois sien et nôtre, douloureux et dérisoire, que l'humour décharge de son angoisse.Biographie de l'auteurEugène Ionesco (1909-1994) prend place dès les années 1950 parmi les représentants de ce qu'on appellera "le théâtre de l'absurde". Ses premières pièces (La Cantatrice chauve, La Leçon) traduisent son étonnement devant la vacuité des êtres et toutes les formes d'abrutissement. Tueur sans gages défend l'individu face à une société léthifère ; Rhinocéros délivre un message plus clair encore : qui voudra rester un homme aura à se méfier de tous. Malgré une angoisse toujours croissante (Voyages chez les morts), Ionesco est de ceux qui ne capitulent pas.Jacques Lemarchand est né à Bordeaux le 12 juin 1908. Passionné par la littérature, le théâtre et le cinéma, il s'installe à Paris au début des années 1930. Accueilli dans le monde des lettres par Jean Paulhan qui l'aide à publier quatre romans, il entre chez Gallimard en 1943, au secrétariat de La NRF. Il restera attaché à la maison Gallimard comme lecteur de manuscrits et éditeur jusqu'à sa mort, en février 1974. Albert Camus dont il deviendra un ami très proche lui demandera d'assurer la critique théâtrale du journal Combat à la Libération. Ses articles furent tout de suite remarqués pour leur indépendance, la sûreté de leur goût et leur style vif et spirituel. En 1950, il entre au Figaro, puis au Figaro littéraire où le directeur Pierre Brisson l'accueille avec enthousiasme, voyant en lui le porte-parole de certaines de ses propres idées. Jacques Lemarchand représentera pour les auteurs nouveaux, les jeunes compagnies, les metteurs en scène désargentés, les directeurs de théâtre exigeants ou les acteurs de la décentralisation théâtrale un appui fidèle et actif.